Ces hôtes d'exception qui ont arpenté les remparts du château de la Roche Goyon.
- Château de la Roche Goyon
- 1 mai
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Dernière mise à jour : 6 mai
Le château de la Roche Goyon est une forteresse emblématique perchée sur ses îlots rocheux le long de la côte d'Émeraude. Depuis sa construction au XIVᵉ siècle, ce monument a été le témoin de nombreux événements historiques et a accueilli des figures marquantes de l'histoire, de l'art et du cinéma. Des personnalités notables qui ont arpenté ses remparts au fil des siècles.
La famille Goyon-Matignon : les bâtisseurs du château
La construction du château de la Roche Goyon débute entre 1340 et 1360, sous l’impulsion d’Étienne III Goyon, seigneur de Matignon. Cette noble famille bretonne, désireuse de protéger ses terres et d’affirmer son autorité, choisit d’ériger une forteresse sur un promontoire rocheux dominant la baie de Saint-Malo, à l’entrée stratégique de la baie de la Fresnaye.
Ce projet défensif prend forme dans le contexte particulièrement tendu de la guerre de Succession de Bretagne (1341–1364), qui oppose deux prétendants au duché : Charles de Blois, soutenu par le roi de France Philippe VI de Valois, et Jean de Montfort, appuyé par l’Angleterre d’Édouard III.
Reconnu duc de Bretagne par les pairs de France, par le roi Philippe VI (traité de Conflans, 1341), et par le pape Benoît XII à Avignon, Charles de Blois aurait probablement pu régner sans partage sur la Bretagne si la crise de succession française de 1328 n’avait fragilisé son camp. En effet, pour succéder à Charles IV sur le trône de France, les pairs avaient choisi Philippe de Valois, cousin du roi défunt, plutôt que son neveu Édouard III d’Angleterre, ouvrant la voie à une guerre dynastique où les conflits bretons se mêlent aux ambitions continentales.
Dans ce tumulte, Étienne III Goyon, fidèle soutien de Charles de Blois, joue un rôle actif. Il négocie la rançon de Charles lorsqu’il est fait prisonnier par les Anglais, et lui porte trois chartes importantes du duc Pierre Mauclerc, affirmant ses droits sur le duché de Bretagne. Une lettre datant de cette époque le nomme explicitement :
"Par nostre ame cousin mons. Estieule Goion, sire de Matignon, à valor ou la delivrence et informacion dou dreit de nostre dit tres redoubte seigneur du dit duché de Bretaigne."
Le 7 août 1356, Étienne est mentionné parmi les soixante familiers de Charles de Blois, enfermés comme lui à la Tour de Londres.
Ainsi, il est très probable que la construction du château ait été encouragée par Charles de Blois lui-même, dans un but stratégique : protéger l’accès maritime à Saint-Malo, port alors vital pour les communications et les approvisionnements. Le château permettait de surveiller et de défendre les navires en attente de marée pour entrer dans la rade, dans une région instable, où l’équilibre des pouvoirs dépendait de la maîtrise du littoral.
Paradoxalement, Charles de Blois s’appuyait sur le droit breton pour légitimer sa revendication, tandis que son rival Jean de Montfort, bien que soutenu par l’Angleterre, fondait sa prétention sur la loi salique française, réactivée dans le contexte dynastique.

Le fils d’Étienne III, Alain III Goyon, poursuivit l’édification de la forteresse, épaulé ensuite par son propre fils, Bertrand II Goyon, qui continua les travaux de consolidation et d’extension du château de la Roche Goyon.
Son fils, Bertrand III Goyon, fit du château sa résidence principale, élevant la Roche Goyon au rang de chef-lieu de la seigneurie de Matignon.
Jean 1er Goyon, sire de Matignon, l'arrière arrière petit fils d'Étienne III Goyon fait construire la chapelle Saint Michel en 1345 au sein du château de la Roche Goyon.
Le 18 avril 1421, Jean Ier épousa Marguerite de Mauny, héritière de Thorigny en Normandie. Cette union marque un tournant dans l’histoire familiale : les Goyon Matignon s’implantent en terres normandes.
Jean 1er nomme Bertrand Goyon, seigneur de Beaucorps, capitaine et garde du château de la Roche Goyon en 1437.
Au décès de son frère, Marguerite de Mauny devient la future héritière de la baronnie de Thorigny en 1424. Son père, Olivier de Mauny II décède vers 1437 et Marguerite hérita officiellement de la baronnie en 1449. Jean 1er Goyon devenant Baron de Thorigny. Il meurt au château de Thorigny en Février 1451.
Son fils, Bertrand IV, sire de Matignon, engagea une campagne de restauration du château de la Roche Goyon vers 1456. Peu attaché au domaine normand, il laissa l’usufruit du château de Thorigny à son frère cadet Alain, par acte daté de décembre 1470.
Bertrand IV décède en 1480 au château de la Roche Goyon.

Son fils, Guy Ier Goyon, hérite de la seigneurie de Matignon. Sous son autorité, les sires de Matignon s’installent durablement en Normandie, faisant du château de Thorigny leur nouvelle demeure principale.
Malgré ce déplacement géographique, le château de la Roche Goyon resta la propriété de la famille Goyon Matignon jusqu’en 1789, traversant les siècles et affirmant la double influence de la lignée sur les territoires breton et normand.
À la fin du XVIIᵉ siècle, la Bretagne est rattaché au royaume de France, le contexte géopolitique évolue. Louis XIV, soucieux de défendre les côtes bretonnes et en particulier la baie de Saint-Malo et son port, stratégiquement essentielle pour le royaume, s’intéresse à la position du château. Sur ordre royal, des travaux de transformation sont entrepris pour adapter le château en fort de défense côtière. Il y engage des financements royaux tout en laissant à la famille Goyon Matignon d’en assurer en partie la gestion en nommant certains gouverneurs.
Ce mariage entre défense militaire et continuité familiale fait de la Roche Goyon un rare exemple de forteresse restée dans les mains de ses fondateurs tout en étant intégrée aux enjeux militaires du royaume de France.
Bertrand Du Guesclin : le siège sans présence physique

En août 1379, le château est assiégé par les forces de Bertrand Du Guesclin, connétable de France réputé pour ses talents militaires. Toutefois, Du Guesclin ne foule jamais les pierres du château lui-même, préférant déléguer cette mission à une escouade chargée de prendre la forteresse.
Siméon Garengeau et Vauban : les ingénieurs militaires
- Siméon Garengeau, architecte sous Louis XIV et collaborateur de Vauban, est très lié à l'histoire du château de la Roche Goyon par son apport à la fortification des sites militaires bretons. Sa vision a contribué à renforcer les défenses de nombreux édifices, dont notre forteresse, en faisant un bastion imprenable.

- Sébastien Le Prestre de Vauban, le célèbre ingénieur militaire et maréchal de France, bien que n'ayant pas directement œuvré au château, a laissé une empreinte indélébile sur l'architecture militaire de l'époque. Ses principes et innovations en matière de fortification ont influencé la conception des forteresses, dont celle de la Roche Goyon.

Jacques François Stuart : le prétendant au trône d'Angleterre

En novembre 1715, Jacques François Stuart, plus connu sous le nom de James Francis Edward Stuart ou encore le "Vieux Prétendant", a foulé les pierres du château de la Roche Goyon, contraint d’y faire escale à la suite d’une violente tempête en mer. Fils du roi catholique déchu Jacques II d’Angleterre et de Marie de Modène , il était soutenu par Louis XIV qui le nomme déjà Jacques III et par les jacobites qui rêvaient de rétablir la dynastie Stuart sur les trônes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande.

C’est à bord de sa frégate que Jacques Stuart prend la mer depuis la Bretagne pour rejoindre l’Écosse, dans l’espoir de profiter du soulèvement jacobite en cours. Mais une tempête force le navire à se réfugier au château de la Roche Goyon, où il est logé dans l’un des bâtiments de la forteresse. Il trouvera le château triste et austère.
Cet arrêt imprévu aux abords des falaises de Cap Fréhel, bien loin des fastes d’une cour royale, inscrit Jacques Stuart dans l’histoire du château comme un témoin des luttes dynastiques européennes du XVIIIe siècle. Bien que son expédition échoua et qu’il ne régna jamais, son passage au château incarne ce lien singulier entre l’histoire locale bretonne et les ambitions royales à l’échelle du continent.
Le duc de Feltre : premier acquéreur lors du déclassement

Après avoir perdu son importance militaire, le château est déclassé et vendu en 1892.
Michel Goyon, duc de Feltre, député et conseiller général des Côtes du Nord, devient le premier à racheter la forteresse à cette époque. Son acquisition marque le début d'une nouvelle ère pour le château, qui redevient un bien privé après avoir rempli sa fonction militaire.
La famille Joüon des Longrais : restaurateurs passionnés
En 1931, le château est acquis par Frédéric Joüon des Longrais et son épouse Yolande De La taille Trétinville, qui entreprennent de vastes travaux de restauration pour redonner à la forteresse son éclat d'antan. Grâce à leur dévouement, le château est préservé et ouvert au public, permettant aux visiteurs de découvrir ce joyau du patrimoine breton. Les efforts de restauration se poursuivent encore aujourd'hui avec leur fils Frédéric Joüon Des Longrais et sa femme Isabelle, assurant la conservation de ce site historique pour les générations futures.


Un décor prisé par le cinéma
Le château de la Roche Goyon, avec son architecture médiévale et son emplacement spectaculaire, a séduit de nombreux réalisateurs et artistes. Voici quelques-unes des productions notables qui y ont été tournées avec son parterre de célébrités :
Tout commence avec Richard Fleischer, réalisateur américain, qui a choisi notre château comme décors pour son film "Les Vikings" en 1958, avec Kirk Douglas, Tony Curtis, Janet Leight, mettant en lumière le potentiel cinématographique du château et ses alentours spectaculaires.

Roger Hanin et Anna Karina arriveront en hélicoptère dans le film "Un mari à prix fixe" en 1965.

Jane Fonda et Anny Duperey à cheval sous la caméra de Roger Vadim dans la partie Metzenstein dans le film "Histoires extraordinaires" en 1967.
Philippe Ogouz jouant le personnage de Rouletabille au coté de Jacques Marin.

Sophie Marceau et Philippe Noiret dans "Les Chouans" dirigé par Philippe de Broca, avec des moments captivants où par exemple l'acteur Stéphane Freiss escalade les remparts pour secourir Sophie Marceau.
"Le Jeu du Roi" avec Pierre Dux et Grégoire Colin
Aurélien Wiik et Martin Lamotte, acteurs, ont foulé les remparts du château lors du tournage de la série "L'Épervier" en 2011 adaptée de la bd éponyme, prouvant une fois de plus l'attrait du lieu pour les productions audiovisuelles françaises.

"Les Trois Mousquetaires : Milady" avec François Civil chevauchant son destrier pour allé voir Eric Ruf (le cardinal de Richelieu) , avec cette scène emblématique de l'œuf sur la terrasse.


Contributions Télévisuelles et Musicales
Antoine de Caunes a non seulement choisi la baie du château de la Roche Goyon pour son film "Monsieur N." mais est également revenu en 2018 pour son émission "La Gaule d'Antoine" pour la chaine française Canal +, montrant une appréciation répétée pour notre site.

En 1998, le groupe Manau tourna son clip "La Tribu de Dana" et reviendra dans les années 2020 pour son clip "ma reine".
S.A.S. Le prince Albert II de Monaco : Sur les terres de ses ancêtres
Le 5 juillet 2012, S.A.S. le prince Albert II de Monaco a effectué une visite privée du château de la Roche Goyon. Ce déplacement revêtait une dimension hautement symbolique, puisqu’il s’agissait d’un retour sur les terres de ses ancêtres. En effet, la famille princière monégasque descend directement de la lignée des Goyon-Matignon, depuis le mariage en 1715 de Jacques Goyon de Matignon avec Louise-Hippolyte Grimaldi, princesse héritière de Monaco.
En foulant les remparts de la Roche Goyon, le souverain renouait avec une page méconnue de son histoire familiale. Ce moment, à la fois intime et historique, témoigne du lien profond entre la Bretagne, le château et la dynastie monégasque.

S.A.S. Le prince Albert II de Monaco : De retour sur les terres de ses ancêtres avec sa famille
Le 9 avril 2025, S.A.S. le prince Albert II de Monaco est revenu au château de la Roche Goyon, cette fois accompagné de S.AS. la princesse Charlène et de leurs enfants, S.A.S. le prince héréditaire Jacques et S.A.S. la princesse Gabriella. Cette visite familiale, empreinte d'émotion, s'inscrivait dans un périple en Bretagne et en Normandie visant à renouer avec les racines ancestrales de la famille Grimaldi.

La journée a débuté dans le petit village de Matignon, berceau historique des Goyon Matignon, où la famille princière a été accueillie chaleureusement par les autorités locales ainsi que par les habitants. Après une promenade dans le marché traditionnel, une plaque commémorative a été dévoilée, soulignant les liens profonds entre Monaco et la région.
Une année symbolique pour la dynastie monégasque
Cette visite s’inscrit également dans une année très particulière pour la famille princière, marquée par plusieurs anniversaires historiques majeurs :
Le tricentenaire de la mort de Jacques III de Matignon (1644–1725), né à Torigni-sur-Vire, père de Jacques IV, décédé le 14 janvier 1725 ;
Les 310 ans de l’union entre Jacques IV de Matignon (devenu Jacques Ier de Monaco) et Louise-Hippolyte Grimaldi, célébrée le 20 octobre 1715 ;
Et les 20 ans de règne de S.A.S. le Prince Albert II, monté sur le trône en 2005.
La famille s’est ensuite rendue au château de la Roche Goyon, où elle a bénéficié d’une visite guidée en toute intimité avec Guénolé Joüon Des Longrais, fils de Frédéric et Isabelle Joüon Des Longrais, propriétaires de la forteresse.
À l’issue de cette visite guidée, la famille princière a partagé un déjeuner proposé par le chef Thierry Blandin (la Fermette à Matignon) dans la salle seigneuriale du logis, en présence de la famille du château, des autorités locales, des maires des villages, de plusieurs descendants de la famille Goyon Matignon, des membres de l'association des amis du passé en pays de Matignon en la présence de Anne Marie et Didier Marsaudon, ainsi que du préfet du département et du député de la circonscription.
Un moment solennel, convivial et symbolique qui marquera durablement l’histoire du château.
La famille princière a ensuite inauguré une plaque commémorative en l’honneur de cette visite exceptionnelle.

Cette visite symbolique a permis à la famille princière de découvrir les terres de leurs ancêtres et de partager un moment privilégié en famille, renforçant ainsi les liens historiques et culturels entre la Principauté de Monaco, la Bretagne et notre château fort.
À travers les siècles, le château de la Roche Goyon a vu défiler des figures historiques majeures, des stratèges militaires, des têtes couronnées, des artistes et des stars du cinéma. Chaque passage a laissé une trace, contribuant à enrichir l'histoire déjà dense de ce site exceptionnel. Le château ne cesse de fasciner et d'inspirer, de par son histoire, son architecture et par son panorama époustouflant qu'il offre sur la baie de St Malo. Sources et liens :
© Archives et collection du château de la Roche Goyon
°Livre "Histoire du pays de Fréhel", Pierre Amiot, Mars 1981, Carrien
° Livre "Le château de la Roche Goyon dit Fort La Latte", Sekijô no Shi, 1973, Manutention Mayenne
°livre "Du rocher de la La Latte au rocher de Monaco,Les Gouyon Matignon, huit siècles d'histoire, leurs juveigneurs, leurs alliances et leurs demeures, Mériadec de Goüyon, éditions régionales de l'Ouest, 2007
°livre "Fort La Latte", Isabelle Joüon Des Longrais, aux éditions Ouest France, première édition 2004 et réédité en 2009
Histoires Royales : https://histoiresroyales.fr/jacques-gabriella-de-monaco-traces-ancetres-goyon-de-matignon-bretagne-premier-deplacement-etranger
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