Mais qui était donc ce Jacques III Goyon de Matignon que nous commémorons cette année ?
- Château de la Roche Goyon
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Jacques III de Goyon de Matignon (1644–1725) seigneur du château de la Roche Goyon et de Matignon, fut un aristocrate normand, militaire de carrière et figure centrale dans l'histoire de la Maison de Matignon. Il est également le père de Jacques Ier de Monaco. et l'un des descendants d'Étienne III Goyon, constructeur du château de la Roche Goyon.

Une jeunesse noble et ambitieuse
Né le 28 mai 1644 à Torigni-sur-Vire, dans la Manche, Jacques III était le cinquième fils d'une fratrie de douze enfants, issu de François de Matignon et d'Anne Malon de Bercy. Dès l'âge de sept ans, il est reçu comme chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ce qui lui vaut le surnom de "chevalier de Matignon". Cette distinction précoce marque le début d'une vie dédiée au service militaire et aux affaires de l'État.

Considéré comme « l’honneur de sa maison et le prodige de son siècle », Jacques II, Maréchal de France, son arrière grand père, demeure l’exemple à égaler. Jacques III, habité par cette mémoire, consacrera son existence à forger une destinée capable de rivaliser avec la grandeur de son aïeul, cherchant sans relâche à inscrire son nom plus haut encore dans l’histoire familiale.
Jacques III reprend le patronyme de Goyon (Goüyon). En 1675, Jacques III renonce à l'ordre de Malte pour épouser sa cousine Charlotte de Goyon de Matignon, fille de son frère ainé d'Henri de Goyon, sire de Matignon. Ce mariage renforce les liens au sein de la Maison de Matignon, le but étant de consolider le comté de Thorigny à son patrimoine.
De cette union naît cinq enfants dont deux sont mort en bas âge :
- François Léonor Jacques IV Goyon, sire de Matignon qui deviendra Jacques 1er Grimaldi en épousant le 20 Octobre 1715, la princesse Louise Hippolyte Grimaldi. 
- François de Matignon, dit "le marquis de Saint Lô", mort à 4 ans, en 1694. 
- Léonor 
- Catherine Élisabeth Goyon de Matignon, qui épousera son cousin Louis Jean Baptiste Goyon, fils de Charles Auguste, comte de Gacé, maréchal de France. 
Carrière militaire et services au royaume de France
En 1650, Jacques III de Goyon-Matignon entame son apprentissage militaire en tant que guidon, c’est-à-dire jeune officier de cavalerie, au sein de la compagnie des Gendarmes Écossais — prestigieuse unité relevant de la maison militaire du roi de France. Cette compagnie est alors commandée par Jacques Stuart*, frère cadet du roi Charles II d’Angleterre, qui deviendra plus tard le roi Jacques II.

*Un demi-siècle plus tard, c’est son fils, Jacques François Stuart, également prétendant au trône d’Angleterre, qui marquera à son tour l’histoire du Château de la Roche Goyon : en novembre 1715, alors qu’une violente tempête frappe les côtes bretonnes, le prince en exil y trouve refuge pour la nuit. Cet épisode demeure un souvenir fort du passage d’un héritier Stuart dans notre forteresse.

En 1664, devenu chevalier de l’Ordre de Malte, Jacques III participe à l’expédition navale dirigée par le duc de Beaufort contre les corsaires barbaresques à Gijérie, sur les côtes de l’actuelle Algérie — une campagne de la marine royale visant à sécuriser les routes méditerranéennes.
Vers 1670, il se distingue brillamment par ses faits d’armes lors de la guerre de Hollande, l’un des grands conflits européens du règne de Louis XIV.
En 1680, il est nommé par le roi gentilhomme d'honneur du Grand Dauphin, fils ainé de Louis XIV.
En 1682, il succède à son frère aîné Henri de Goyon, sire de Matignon à des postes de haut rang en Normandie : lieutenant général de Basse-Normandie, gouverneur de Cherbourg, gouverneur de Valognes, et maréchal de camp. Il administre ces fonctions avec loyauté au service de la Couronne.
Sa carrière couvre les principales guerres du règne de Louis XIV : la guerre de Hollande (1672–1678), la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688–1697), et la guerre de Succession d’Espagne (1701–1714).
Enfin, en 1688, il est reçu chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit, la plus haute distinction honorifique du royaume, et est invité au château royal de Marly, résidence privilégiée du Roi-Soleil.

Pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg dit aussi la guerre de Neuf ans (1688-1697), il est nommé à 50 ans, Lieutenant Général des armées du roi et il assure la défense de la Basse Normandie.
Un patrimoine étendu
Tout au long de sa vie, Jacques III cherche à consolider sa position dans la hiérarchie nobiliaire et à étendre son influence par l’acquisition de terres de famille directe et collatérale. Ambitieux, il souhaite rivaliser avec les grands noms de son temps. Ainsi, il achète à son frère Léonor, la baronnie de Saint-Lô, qui, ajoutée à son comté de Thorigny, lui procure des revenus annuels estimés à 60 000 livres, somme considérable pour l’époque.
En 1702, il rachète la baronnie de Bricquebec à Marie d'Orléans.
Mais Jacques III vise plus haut. Désireux d’obtenir un duché-pairie, il s'intéresse de près à l’héritage de la puissante maison d’Orléans-Longueville. Il tente de se rapprocher de Marie d’Orléans, héritière de cette lignée, veuve du duc de Nemours et l’une des plus riches femmes d’Europe. Cousin éloigné par sa grand-tante maternelle, Jacques espère ainsi légitimer sa prétention. Il se heurte cependant à des rivaux prestigieux : le prince de Conti (neveu de Condé), le prince de Carignan (savoie), le roi d’Angleterre (Guillaume III d'Orange Nassau) et l’Électeur de Brandebourg.
	À la mort de Marie d’Orléans en 1707, une lutte s’engage pour la succession de ses domaines, notamment la principauté de Neuchâtel (alliée à la confédération Helvétique) et le duché d’Estouteville. Après cinq ans de querelles juridiques, c’est l'Électeur de Brandebourg devenu roi de Prusse qui obtient Neuchâtel. Jacques III, lui, continue à revendiquer Estouteville.
	Depuis 1534, le duché d’Estouteville appartenait aux Orléans-Longueville, suite au mariage de Marie de Bourbons avec Léon d’Estouteville. Marie d’Orléans en fit ensuite donation au chevalier de Soissons, fils illégitime.
Jacques III engage un procès contre les héritiers de ce dernier, détenteur contesté du duché. En 1710, il est débouté, mais refuse de renoncer. En 1712, un accord est trouvé : le duc de Luynes accepte de vendre Estouteville (Valmont), ainsi que plusieurs terres normandes (dont Hambye et Bréhal) pour 750 000 livres, à condition que l’acheteur n’utilise ni le nom ni le titre de Duc d’Estouteville.
Malgré cet échec de reconnaissance nobiliaire, Jacques III ne renonce pas à son ambition d’accéder, ou du moins d’élever sa lignée, à la dignité de duc et pair de France. Fort de sa richesse considérable, il mise alors sur son principal atout : son fils Jacques François Léonor.

À la même époque, le prince Antoine Ier de Monaco cherche un époux digne de rang pour sa fille unique, l’héritière Louise-Hippolyte Grimaldi. Ce projet attire l’attention de Jacques III, qui y voit une opportunité exceptionnelle. En 1715, avec l’accord du roi, un contrat de mariage est établi : le duché de Valentinois, relevant de la Couronne, sera transmis à Louise-Hippolyte et son mari, à condition que ce dernier prenne le nom de Grimaldi et règne à ses côtés sur la principauté.
Par cette union, Jacques-François-Léonor devient duc de Valentinois et pair de France, assurant ainsi la réalisation, indirecte mais éclatante, des ambitions paternelles.
Mariage et Alliance avec la Maison Grimaldi
Le mariage en 1715 de Jacques-François-Léonor de Matignon dit aussi Jacques IV Goyon de Matignon, son fils, avec Louise-Hippolyte Grimaldi, princesse héritière de Monaco, scelle l’union des maisons de Matignon et de Grimaldi. À la mort de son épouse, il devient Jacques Ier de Monaco, fondant ainsi la branche Grimaldi-Matignon, dont est issu le prince Albert II.

Les possessions de Jacques III de Matignon
- Notre Château de la Roche Goyon (Fort La Latte) : Situé sur la côte nord de la Bretagne, ce château est renforcé sous Louis XIV pour protéger les navires en attente d'entrée dans le port de Saint-Malo. Jacques III en conserve l'usufruit et le droit de nommer ses gouverneurs. 

- Château des Matignon à Thorigny (Torigni-sur-Vire) : Résidence principale des Matignon en Normandie, où Jacques III naît et est inhumé. 


- Château de Hambye : 


- Château du duché d'Estouteville - Château de Valmont : 

- Autres possessions : Il détient également des terres, des manoirs, métairies, moulinsà Saint-Lô, Hambye, Matignon, Saint Germain de la Mer, Saint Pôtan, Pléboulle, Saint Cast, Languenan, Plévenon et Pléhérel. 
L'hôtel de Pons dit aussi "hôtel de Tambonneau" à Paris
En 1710, Jacques III de Matignon fait l’acquisition d'un hôtel particulier parisien, situé rue de l’Université. Il s’agit de l’hôtel de Pons, également connu sous le nom d’hôtel Tambonneau, bâti par Louis Le Vau pour Antoine Tambonneau, président de la Chambre des comptes.

Cette demeure prestigieuse appartenait alors aux héritiers du comte de Marsan, Charles de Lorraine, prince de Pons, marié à Catherine-Thérèse Goyon de Matignon, nièce de Jacques III.
Cependant, en 1724, un procès est intenté par Charles-Louis de Lorraine, fils de Charles de Lorraine et de Catherine Thérèse Goyon de Matignon, qui revendique la restitution de l’hôtel au nom de ses droits successoraux. Jacques III, après décision de justice, est contraint de restituer l’hôtel.
Il quitte alors l'hôtel de Tambonneau pour s’installer dans l’hôtel de son frère Charles-Auguste, maréchal de Matignon, situé rue Saint-Dominique en attendant la fin des travaux de son nouvel hôtel (futur hôtel des Matignon, rue de Varennes) qui vient d'acquérir en 1723. Cette hôtel sera détruit en 1844.
L'hôtel de Matignon à Paris, rue de Varennes
C'est en 1723 que l'architecte Jean Courtonne approche Jacques III de Matignon pour lui proposer d'acquérir un vaste terrain situé rue de Varenne à Paris, où il supervisait la construction d'un hôtel particulier initialement destiné au prince de Tingry, Christian-Louis de Montmorency-Luxembourg, maréchal de France. Criblé de dettes, ce dernier avait dû renoncer à son projet.

Séduit par l’opportunité, Jacques III rachète le terrain ainsi que le projet inachevé. Toutefois, des désaccords ne tardent pas à surgir entre lui et Courtonne, concernant notamment la direction du chantier. Jacques III se sépare de l'architecte et confie la direction des travaux à Jean Antoine Mazin en 1724. Ce dernier supervise l'achèvement du gros œuvre mais ne change que peu de détails aux plans originaux. Les travaux du grand escaliers sont réalisés par Pierre Lafon et la fin des gros travaux sont terminés par Nicolas Desmaisons dès le début de l'année 1724. Les premières décorations intérieures commencent à la fin de cette même année.
Cette même année, il transfère la propriété à son fils Jacques IV Goyon de Matignon, devenu Jacques Ier de Monaco, avec la condition que l'édifice conserve le nom d'Hôtel de Matignon et soit transmis à sa postérité masculine.
L'hôtel n'est cependant jamais achevé de son vivant.
Jacques III décède le 12 Janvier 1725 dans un autre hôtel dit aussi "hôtel de Matignon", rue Saint Dominique, qui avait été acheté par son père François, sire de Matignon et qui était devenu la propriété de son frère Charles Auguste de Matignon, maréchal de France.
Son fils, Jacques 1er de Monaco terminera les derniers travaux avant d'y résider dès le printemps 1725. Cet hôtel est aujourd'hui la résidence officielle du Premier ministre français.
Collectionneurs d'art
Jacques III de Goyon de Matignon est un grand collectionneur d'oeuvres d'art, on dit de lui que sa demeure ressemble plus à un palais qu'à un hôtel.
Décès et héritage
Jacques III de Goyon de Matignon décède le 12 janvier 1725 à Paris, sans voir son hôtel de Matignon terminé, et il est inhumé à Thorigny (Torigni-sur-Vire). Son héritage perdure à travers la Maison Grimaldi-Matignon, qui règne toujours sur la principauté de Monaco.
Commémorations et Exposition hommage en 2025
À l'occasion du tricentenaire de sa mort (12 Janvier 1725), en avril 2025, S.A.S. le prince Albert II de Monaco rend hommage à son ancêtre lors d'un voyage officiel en Bretagne et en Normandie. Des cérémonies et visites sont organisées à la mairie de Torigni-sur-Vire (château des Matignon), Moyon, Matignon et au château de la Roche Goyon.

Ce timbre commémoratif est également émis par l'Office des timbres de la Principauté de Monaco, rappelant les liens historiques entre les familles Goyon, Matignon et Grimaldi.

Une exposition dédiée à Jacques III de Goyon Matignon a été inaugurée le 10 avril 2025 à Torigny-les-Villes, en présence du S.A.S. prince Albert II de Monaco. Réalisée par les Archives départementales et la Maison de l’histoire de la Manche, l’exposition retrace son parcours de seigneur normand à figure fondatrice de la dynastie monégasque.
Basée sur les travaux de Nicolas Homshaw, elle présente 12 panneaux et 7 portraits de la famille Matignon.
Initialement annoncée pour l’été 2025, l’exposition consacrée à Jacques III Goyon de Matignon, ancien seigneur de notre château de la Roche Goyon, devait être ouverte au public durant toute la saison estivale. Nous nous faisions une joie de pouvoir renouer avec sa mémoire, et de marcher à nouveau dans ses pas, au cœur même de son ancien fief normand, le château des Matignon à Torigni-les-Villes.
Finalement, cette exposition n’a été accessible qu’à l’occasion des Journées du Patrimoine en septembre, et malheureusement, nous n’avons pas pu nous y rendre à temps pour la découvrir.
Nous espérons de tout cœur qu’elle sera de nouveau visible prochainement, afin que chacun puisse à son tour plonger dans le destin exceptionnel de ce seigneur devenu prince de Monaco par l’alliance de son fils.
Sources et liens pour cette article :
° Livre "La normandie des princes de Monaco, du maréchal de Matignon au prince Albert II", musée des beaux arts de St Lô, 2011
° Livre le "Fort La Latte", éditions Ouest France, Isabelle Joüon Des Longrais
° Livre de "Du rocher de La Latte au rocher de Monaco, LES GOUYON MATIGNON, huit siècles d'histoire, leurs juveigneurs, leurs alliances et leurs demeures", aux éditions régionales de l'Ouest, 2007
° Livre "le château de la Roche Goyon dit Fort La Latte", imprimerie de la manutention Mayenne, 1973, SEKIJÔ NO SHI (Le maître du lieu, pseudonyme de Frédéric Joüon Des Longrais) °Livre "Les sires de Matignon" de Didier Marsaudon, éditions LGM, 2025
- https://es.pinterest.com/pin/278378820695780923/ 
- Conférence en ligne sur jacques III de Gouyon Matignon par Nicolas HOMSHAW : https://societearcheologie.wixsite.com/societearcheologie/single-post/conf%C3%A9rence-du-mercredi-14-octobre-2020-en-vid%C3%A9o 
- https://www.oetp-monaco.com/index.php?route=product/product&product_id=1774 
- https://gw.geneanet.org/nitram8?lang=fr&n=goyon+de+matignon&oc=2&p=jacques+iii 
- Archives, images et collection du château de la Roche Goyon 
- https://www.youtube.com/watch?v=plVVZ784qJM&ab_channel=MonacoInfo 
- https://www.facebook.com/photo/?fbid=974967778141924&set=pcb.974968678141834 
- https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/2587/?offset=1#page=1&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q= 
- https://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-valmont-seine-maritime-a128019760 
- https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/2587-chateau-de-valmont?offset=1 
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Valmont_(Seine-Maritime) 
- https://man8rove.com/fr/profile/3a1h1j0g-jacques-goyon-de-matignon 
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